Le Bleu du caftan, un film lumineux

Publié le 23 Avril 2023

 

Un film lumineux et sensuel, primé à Cannes en 2022.

Ce très beau film de Maryam Touzani réalisatrice marocaine, mêle avec subtilité poésie de l’intime, réalisme social et critique politique.

Le récit qui touche à l’épure tient en trois lieux, la boutique, l’appartement et la ville de Rabat, et trois personnages.

Mina est gravement malade ; le film montre avec pudeur cette femme encore jeune qui lutte avec courage contre son cancer dans un pays où se soigner n’est pas à la portée de tous. Mina  forme un couple très uni avec Halim, un tailleur traditionnel, un maalem, dans la médina de Rabat. On est saisi par la beauté du métier de cet homme qui travaille en artiste,  réalisant de ses mains des caftans richement brodés, qui touchent à la perfection. Travail dans l’ombre de l’arrière-boutique quand Mina tient la boutique et n’hésite pas à recadrer des clientes que leur statut social rend hautaines. Il faut savoir attendre ces caftans,  qui  se transmettent d’une génération à l’autre ; la  noblesse de ce métier en voie de disparition est mise en valeur par des gros plans. Beauté et douceur tactile des tissus, des soies et des fils d’or.

Une complicité scellée par le secret et le respect l’un de l’autre

Ce couple dans la quarantaine, sans enfants,  est uni par une forte complicité scellée par le secret d’Halim ; il est attiré par les hommes. Ce qui est une honte  pour l’opinion, et un délit réprimé  par la loi au Maroc. Or Mina accepte depuis toujours, sans en être dupe, les escapades régulières d’Halim au hammam ; elle souffre de ses étreintes rares et rapides, mais ne s’en est jamais plaint ... Tout se passe en douceur dans ce film où la parole est rare ; Maryam Touzani nous fait avancer par petites touches, par métaphores, lentement ; tout est suggéré, et le spectateur est happé par l’émotion. L’arrivée d’un jeune apprenti, Youssef, va compliquer la donne.  

Maryam Touzani tisse avec une délicatesse infinie cette double histoire d’amour et la proximité de la mort qui entraine des émotions fortes dont elle rend compte par le jeu de sa caméra, avec beaucoup de pudeur. Alors qu’Halim taille le tissu du caftan luxueux dont la confection va rythmer le film, il guide la main de son apprenti  et lui explique l’importance de la marge entre la ligne de découpe et le patron du vêtement ; le spectateur comprend que cette marge étroite et fragile est aussi celle des émotions. Aucune scène érotique,  et pourtant  une très grande sensualité. Des gros plans sur les mains caressant un tissu ou palpant une broderie, des silences, des regards, la proximité des corps dans l’espace réduit de la boutique ; la focalisation de la caméra sur ces détails  porte la sensualité du film, son élégance et sa noblesse.

Des images captivantes dans une  ville contemporaine du Maghreb

Les images de ce  film  captivant mêlent étroitement la sensualité, l’amour et la mort,  et sont reliées par la belle métaphore, du métier de « Maalem ».  La tradition sera  transmise, Halim qui a reçu de son père les secrets du métier, les transmet avec amour au jeune homme.  

Trois grands acteurs  engagés dans un huit clos symbolique

Le drame de  l’intime, traité avec poésie, porte en creux un message politique. Servi par trois grands acteurs, Lubna Azabal, poignante, qui montre la maladie et la souffrance de Mina ; Saleh Bakri qui porte avec élégance un personnage complexe et  Ayoub Missioui dans le rôle de l’apprenti toujours juste.

Une ode au bleu

Le film est une ode au  bleu du caftan brodé avec art et patience qui est autant celui du Zénith que le témoignage d’un savoir faire ancien, un art royal !

Le film est à l'affiche : n 'hésitez pas : courrez le voir ! 

Rédigé par Catherine Reveillère

Publié dans #Ac, #OP

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