Entre le Tigre et l’Euphrate : la Mésopotamie est considérée comme le berceau de l’humanité. Appelée par les grecs Mesopotamos, elle est le « pays-d’-entre-les-deux- fleuves », deux fleuves puissants et imprévisibles rythmant la vie agraire saisonnière tout comme l’imaginaire religieux et social.
Dans cet espace, au IV e et III millénaires avant notre ère, participants à l’épanouissement de la civilisation, deux peuples dominent principalement: les Sumériens dans la Mésopotamie méridionale (ou basse Mésopotamie) tandis que les Akkadiens dominent le Nord en haute Mésopotamie tout en cohabitant avec les Sumériens dans le Sud.
Ecriture sumérienne
La Mésopotamie morcelée en petits royaumes indépendants à cette époque est un terrain d’affrontements belliqueux mais aussi d’influences réciproques fécondes: les Sumériens inventent l’écriture cunéiforme que les Akkadiens leur empruntent pour transcrire leurs propres langues.
Ensemble, malgré leurs différences, ces deux peuples ont fourni un socle duel et stable sur lequel ils ont édifié une culture métisse, partagé une écriture qui réinterprète deux écritures premières et forgé dans leur cohabitation, des représentations communes issues de leurs univers respectifs. Pour un mode de fonctionnement social ils ont généralisé des outils pratiques de gestion, le tout découvert grâce aux fouilles mais aussi à l’intérêt toujours maintenu des chercheurs-experts de ces grandes civilisations.
Inanna (nom sumérien) ou Ischtar (nom akkadien)
Ainsi, disposons nous aujourd'hui de bonnes connaissances relatives aux mythes nourrissant leur culturalité fusionnée. A travers ce que furent des récits, nous avons une idée des combats entre cités, et par les chantiers ouverts dans ces territoires, des collections d’objets usuels de même nature pour des fonctions jugées similaires.
Un tel engagement de recherche, en dépit des difficultés du terrain et du temps, favorise des compréhensions plus fines des traditions anciennes, la sensibilisation de l’enjeu de lecture des palettes d’argile écrites découvertes dans ces zones ou en proximité : elles nous précisent quelles étaient leurs relations au Roi, aux Dieux, leur vision sur la création du monde et sur les modes de négociation interclasses au sein d’une société devenue urbaine où s'imposait une vision hiérarchisée selon le statut des individus (cercle du roi, cercle du commun du peuple, cercle des esclaves). Il nous interroge encore sur la diffusion même du savoir dans cette "contrée fertile demi-lune" qui s'incurve entre le Nil et le golfe Persique et que ces premiers peuples ont su arracher à l'inhospitalité d'origine du désert.
Une légende fameuse telle l’épopée de Gilgamesh nous vient du fonds de ces âges : elle est une des plus anciennes œuvres littéraires connues de l’humanité. Partie de l’existence réelle du roi de la ville sumérienne d’Uruk vers 2050 avant JC, cette épopée ensuite enjolivée par des scribes au fil du temps, est à considérer comme un véritable chef d’œuvre. Un tel texte est de mille ans antérieur à l’Iliade et l’Odyssée d’Homère et de près de deux mille ans antérieur à la Bible.
La culture suméro–akkadienne a de fait survécu aux divers changements dynastiques et politiques ainsi qu’à l’arrivée de nouvelles peuplades. Son influence notamment dans le domaine de la religion, des lettres et de l’architecture est restée un élément essentiel des civilisations qui se sont épanouies en Mésopotamie tout au long de l’Antiquité. Elle a constitué un riche héritage repris par les Babyloniens, les Assyriens jusqu'à la fin de l'empire de Nabuchodonosor . Elle a persisté sans doute bien au delà dans les mémoires d'alors pour infuser les grands textes du monothéisme.
Présentation du documentaire de " Jean Bottéro, nouvelles de Mésopotamie, 1996"
Ce témoignage nous a été transmis par Dominique Zanicoli, ex-comédienne et accompagnante-enseignante ces dernières années dans divers lieux sociaux culturels et médico sanitaires en France.
« Donnez les spectateurs en spectacle. Rendez-les acteurs eux-mêmes. Faites que chacun se voit et s’aime dans les autres afin que tous en soient mieux unis ». (Conseil de Rousseau dans une de ses lettres à d’Alembert)
C’est à la demande de responsables culturels et d’enseignants que j’ai commencé à transmettre l’expression théâtrale, dès 1970, parallèlement à une carrière de comédienne.
Dans un souci d’accès à la culture pour tous, les animations de sensibilisation figuraient comme le complément indispensable des représentations. L’objet des interventions était variable : autour du spectacle proposé (ses thèmes de réflexions ou les formes artistiques utilisées) autour de l’auteur, ou du théâtre en général, à travers son histoire et ses courants esthétiques et le plus souvent autour du jeu de l’acteur. Dès 1980, je me suis investie dans des ateliers de pratique artistique, en milieu scolaire, lors de séjours culturels, dans des cours hebdomadaires réguliers pour adultes et enfants, et des mises en scène de spectacles amateurs à l’occasion de célébrations nationales ou locales.
Si les années 90 furent très prolixes en éditions de textes possibles à jouer, de documents pédagogiques et témoignages d’expériences, je fais partie de la génération où les ponts et passerelles du théâtre professionnel à la pratique « amateure et populaire » étaient totalement à inventer, à réinventer ou à adapter. Inutile de vous raconter le temps que je passais à concevoir un cours, une animation ou un spectacle, c’était inimaginable, mais quand on aime on ne compte pas.
Accompagner au travers d’un dialogue permanent
Dans l’éducation populaire, il faut aller vers l’autre, répondre à ses attentes et ses besoins tout en cherchant à le faire progresser, c’est un engagement au service de l’être humain. Complètement autodidacte en matière pédagogique, je me situe plutôt comme une accompagnatrice. Un peu animatrice, un peu formatrice, un peu guide, aide, conseil… de manière plus ou moins directive, mais toujours avec de l’exigence, selon les demandes, les cas, le fonctionnement et la personnalité de chacun, et puis bien sûr selon les thèmes de travail abordés. L’accompagnement exige est un dialogue quasi permanent et qui prend multiples formes pour être relié formateur et apprenti comédien…. Des qualités spécifiques sont requises pour accompagner, comme l’authenticité (inutile de faire semblant, nous sommes dans une relation d’être humain à être humain où personne ne peut tricher), la spontanéité (réagir en résonance avec ce qui est vécu), la flexibilité (savoir changer de point de vue), la générosité (savoir donner et recevoir de l’autre), l’ouverture (accepter l’imprévisible, les contradictions de l’autre), l’accueil des différences (voir la richesse d’un autre point de vue). Accompagner signifie aussi être capable d’écouter, d’affronter la peur de l’autre, de garder le sens du moment opportun, de composer avec l’imprévu, de reconnaître ses propres limites, de respecter la proposition de l’autre, de savoir se questionner et se remettre en question.
La pratique du théâtre apporte de l’aisance dans l’expression orale.
La parole est un chemin vers l’autre, un lien et un lieu d’échange et de communication, un pouvoir celui d’argumenter, de négocier, de convaincre, de séduire mais aussi de tromper. Or la parole et conséquemment la voix drainent des éléments complexes et intimes. Parce que la prise de parole est un reflet de soi-même, on peut avoir peur de se dévoiler, d’être regardé, d’être jugé, de déplaire…etc., les émotions et les affects peuvent être des grands perturbateurs. Au théâtre nous travaillons la voix, la diction, la respiration, la décontraction, la concentration, l’imagination, la créativité, l’expression et le contrôle des émotions, des sensations, de la gestuelle, l’analyse et la réflexion d’un texte, la mémoire. Au final toutes ces énergies doivent s’assembler harmonieusement. Un comédien joue avec sa tête, son corps, son cœur et ses « tripes », il doit conscientiser son travail jusqu’à le maîtriser en introduisant un recul intérieur salutaire.
Eveiller à la responsabilité du groupe « en scène » en face du spectateur
Il ne suffit pas dans la pratique théâtrale d’y chercher seulement un développement personnel, car le théâtre reste un art de groupe : par suite, il faut arriver à élever sa conscience au sens collectif. Quand on joue ensemble un spectacle, on a cette impression d’être tous ensemble dans un « même bateau », où il est impossible de « jouer perso », la responsabilité, la tolérance, la solidarité, l’engagement sont incontournables. Si l’un a plus de talent, c’est le groupe entier qui en bénéficie avant tout. Enfin l’attitude créative et artistique est l’un des apprentissages fondamentaux : c’est une expérience intime exceptionnelle que la vie quotidienne ne peut nous offrir, un travail de recherche intérieure où sans cesse il faut revenir sur l’ouvrage pour arriver à obtenir quelques progrès. C’est la quête infinie du surpassement de soi-même et de la sublimation de nos conflits et préoccupations, c’est une étrange alchimie intérieure où l’analyse, la réflexion, l’intuition, l’inspiration, l’instinct, le ressenti, les émotions et affects s’assemblent et se mêlent sous l’égide du travail, du sérieux, de l’exigence et de la rigueur pour être finalement soumise à l’œil d’un public.
« Le théâtre », dit Richard Monod, « est fait de convivialité, de présence, de rapports troubles entre l’illusion et la réalité. C’est du théâtre que viennent et surgissent la catharsis, le tragique, l’affrontement du civil et du religieux, du corps et de la parole, de la conscience et de l’irrationnel, le délice vertigineux de l’identification et de la perte de l’identité. » Quand il assiste à une représentation, le spectateur se projette dans l’acteur s’identifiant aux personnages joués et partageant les sentiments exprimés, du moins il est entraîné dans le dialogue et le mouvement. L’expression des passions et le déroulement des situations le délivrent de ce qui demeurait enfermé en lui-même. Le spectateur est purgé, purifié de ce qu’il n’arrivait pas à se délivrer, c’est le phénomène dit de catharsis. Il repose sur une transposition symbolique de la situation réellement vécue par un sujet mais inexprimée et souvent inconsciente, au niveau d’une situation imaginaire, où les freins n’ont plus les mêmes raisons de fonctionner, où la spontanéité se donne libre cours et l’inconscient se dévoile peu à peu. Si la symbolique fonctionne et joue pleinement son rôle d’inducteur, une sorte de délivrance (catharsis) s’opère et un peu des profondeurs de l’inconscient accèdent à la lumière de l’expression.
Une expérience d’accompagnant à la fois humble et riche
Face aux générations successives de « l’enfant-roi », « l’enfant-consommateur », « l’enfant-rebelle », et face aux personnes en difficultés : handicapés, défavorisés ou plus simplement très inhibées, j’éprouve le sentiment de pouvoir être comme accompagnant à l’exercice théâtral un petit peu utile. J’avoue qu’il y a là une satisfaction intérieure qui me donne du contentement. Mais je ne cache pas que le travail est parfois ingrat, difficile aboutissant à des déceptions où l’on se sent petite goutte d’eau, ou grain de sable perdu dans l’immensité.
Et puis il y a aussi ce que j’ai appelé les « petits miracles » de personnes dont le cas me semblait au départ désespéré, alors là il faut savoir recevoir, car ces « petits miracles » me vont droit au cœur et me donnent la force de poursuivre. Les mots cœur et courage ont d’ailleurs la même étymologie.
Outre les progrès artistiques qui justifient ma prestation, ce sont les changements comportementaux des élèves qui sont les plus spectaculaires : c’est un timide qui ose s’exprimer, un complexé qui retrouve un peu de confiance en lui, un bavard qui régule mieux son débit, un agité qui tente de se calmer, un « roupilleur » qui se met au travail, un grincheux qui sourit, un coincé qui s’ouvre, un « je sais tout » qui écoute des points de vue opposés, un bagarreur qui respecte mieux les autres, un perturbateur qui apporte sa participation. Cette énumération caricaturale et peu flatteuse souligne le rôle de l’humour : il apporte le recul nécessaire et salutaire, Il assouplit la relation, garde d’un trop plein de compassion, particulièrement en direction des populations défavorisées. Des parents, et des enseignants aux côtés desquels j’ai travaillé, ont remarqué des transformations profondes chez des élèves en échec scolaire ou en refus de l’école. ..
Aimer l’humain : faire ressortir ses émotions et l’aider dans l’expression de soi
En vérité j’aime les êtres humains, j’aime ce que je fais, ce que je transmets, et à mon sens c’est pour cela que ça marche. Mais attention il faut toujours rester vigilant car l’interaction des membres d’un groupe est si forte, qu’un seul perturbateur peut rompre ou empoisonner l’ambiance, alors je n’hésite pas à intervenir, pour le bien du groupe avec lequel il me faut tenter d’établir un esprit de troupe, d’équipe, la qualité du travail étant étroitement liée à l’entente et à l’harmonie. J’ai beaucoup travaillé en direction des jeunes habitant des quartiers appelés « zones sensibles », mon impression est qu’ils sont très remuants et qu’ils ont soif d’action (« drama » en grec signifie « action », le jeu dramatique est à mon sens particulièrement adapté à ce besoin). Ayant peu de cadre éducatif, social et culturel, ils sont en recherche de repères, de limites, d’orientations, de balises pour se construire. Je les trouve perturbés sur leur ego, leur valeur personnelle, leur relation à l’autre, inquiets de leur insertion. Un chaos intérieur qui se manifeste par des actes spectaculaires tels que provocations, désobéissance, transgressions irréfléchies, violences ou simple jeu du « qui c’est le plus fort ici ?». Selon moi, un éducateur, un enseignant qui par peur ou mauvaise compréhension refuserait le jeu de rapport de force en confondant paix et permissivité risquerait d’aller vers l’échec.
J’ai constaté que, à travers le choix d’un rôle, l’élève cherchait parfois à vivre le phénomène de catharsis, ce qui m’a conforté sur des méthodes que je pratique depuis longtemps, c’est à dire : laisser le choix des rôles, et être pleinement responsable du thème, des arguments et de la construction des spectacles que je propose, ceux-ci nourrissant et servant d’ailleurs mon idéal. Chacune de mes interventions est une expérience humaine forte et représente chaque fois une aventure nouvelle et particulière. Le théâtre raconte l’homme et le monde. Je crois profondément aux vertus libératrices de l’éducation culturelle, susceptible de contribuer à réparer des inégalités. Par toutes les qualités humaines, intellectuelles, culturelles et sociales que développe la pratique théâtrale, elle participe à l’apprentissage des valeurs citoyennes, humanistes et républicaines. Mon bonheur a été et reste d’ ouvrir ce chemin là.
Rabindranath TAGORE (1861-1941) est habité « littéralement » dans son écriture, habité par un désir spirituel profond, établissant le lien du cœur et de la Nature.
L’univers tout entier est dans ses textes. La méditation métaphysique débouche pour lui sur la joie, un véritable principe de vie. Son humanisme est pour que l’homme se considère comme un élément de la Nature.
L’œuvre nimbée de sacré que nous a délivrée ce magnifique écrivain, ce poète, mais aussi homme de théâtre est celle d'une figure capitale de l’Inde contemporaine. Elle enchante par sa puissance et sa beauté.
Traduit de son vivant par André Gide, Tagore aurait-il depuis quelque temps perdu de la notoriété en France ? La maison Gallimard vient revivifier notre mémoire et au travers d'une édition de plus de 1600 pages, elle témoigne de l’ampleur et de la richesse de ce prix Nobel de littérature en 1913 : ainsi on y trouve la poésie de Tagore (dont les célèbres L’Offrande lyrique et L’Esquif d’or), trois pièces de théâtre, des nouvelles et romans ainsi que quelques essais intellectuels et politiques (en particulier Vers l’homme universel et La Religion de l’homme ) et Gallimard y a ajouté un dossier sur son œuvre.
La sagesse de l’homme et son érudition n’ont pas de frontières ; elles touchent intemporellement tous les cœurs :
Moi Naziq al-Abid, je suis née dans une famille riche de Damas en Syrie en 1887. C’est le temps de l’empire ottoman du Sultan Abdulmamide ; mon père est un aristocrate, membre de la Cour et mon oncle est un conseiller du sultan. Mon enfance est heureuse, dans un milieu aisé où je bénéficie d’une éducation de qualité.
En dépit de cet environnement familial gratifiant, ma conscience est offensée en grandissant lorsque mon regard se pose sur les inégalités et les injustices. Aussi les privilèges que je dois à la richesse de ma famille finissent par me déplaire et de manière générale les discriminations de genre et la domination même de l’Empire ottoman sur les classes sociales.
Surnommée «la rebelle», les opinions et les actions sociales ou féministes que j'engage arrivée à l’âge de jeune adulte choquent beaucoup mon entourage. Je souhaite travailler mais je me rends vite compte que mes bijoux et mes atours ne me m’aident pas pour entrer dans un milieu de travail et qu’il vaut mieux abandonner de tels signes de richesse sociale.
J’ai fait des études à Istanbul et j’apprends plusieurs langues dans des écoles turques, américaines et françaises. Ma vigoureuse tendance à protester contre des discriminations pratiquées envers les étudiants arabes me vaut d’être renvoyée en Syrie. Puis, ayant créé une association de défense, je suis renvoyée au Caire : j’y resterai juste jusqu’à la chute de l’Empire ottoman, à l’issue de la Première Guerre mondiale en 1918.
Naziq Al Abid, vue par l'humoriste contemporaine Pénélope Baugieu
L’Empire ottoman ayant été démantelé entre les puissances européennes et la Syrie occupée par les troupes françaises, la Syrie par la voix des nationalistes syriens proclament unilatéralement l’indépendance du pays. Le prince Fayçal y établit une monarchie parlementaire. Mais face à la décision de la Société des nations un mois après de remettre en place le contrôle français et au consentement de Fayçal à cette situation, je me rallie à son ministre de la défense. En effet celui-ci refuse une telle décision et pour l’indépendance de la Syrie, je n’hésite pas à prendre les armes pour combattre pour la liberté du pays.
En juillet 1920, la bataille de Khan Maysaloun vire au désastre et confirme la domination de la France sur le territoire. Pourtant engagée avec mes compatriotes indépendantistes, à la tête d’une association j’avais créée pour la circonstance un bataillon d’infirmières : l’Etoile Rouge, inspirée de la Croix Rouge. Ayant survécu à la bataille je gagne toutefois le titre de générale de l’armée syrienne.
Ma participation au combat me vaut d’être exilée par les Français au Liban, puis en Jordanie. Amnistiée à la condition d’abandonner la politique, je retourne en Syrie l’année suivante. Mais je n’ abandonne en rien mes options pour la lutte et mon combat se prolonge par une lutte pour les droits des femmes et pour que leur soit accordé le droit de vote que je ne cesse de réclamer depuis 1920. Mon combat pour les femmes se prolonge alors avec l’association La Lumière de Damas (Nur al Fayha) qui vise à promouvoir l’apprentissage de la culture arabe dans les écoles de filles et qui édite un journal ouvertement féministe. Par crainte des autorités françaises je dois pour un temps me réfugier au Liban avant de revenir à nouveau en Syrie.
A mon retour en 1922, je rencontre l’homme politique et intellectuel syrien Muhamad Jamil Bayhum qui n'a cessé de me soutenir dans mes engagements féministes et en particulier pour obtenir le droit de vote des femmes. Avec son aide je participe à la mise sur pied d’une nouvelle association co-fondé avec Adile al-Jazairi et d’autres : L’Eveil des femmes de Damas.
Cette association se consacre à des œuvres sociales telles des cours d’éducation : de couture et de langue anglaise pour des jeunes filles pauvres. Il m’est apparu important que les droits économiques et des droits aux travailleuses bénéficient (à côté du droit de vote espéré pour les femmes) de jours de repos et des congés maternité notamment. Et quelques unes des revendications auxquelles j’étais attachée viennent à aboutir (exemple : le congé de maternité)
De fait le mouvement féminin en Syrie qui s’est constitué sous le mandat français (1920-1946) a été véritablement une force politique autonome et originale. En dépit de l’échec pour obtenir le droit de vote féminin il a participé à une redéfinition du jeu et de la culture politique en Syrie…
Ainsi n’ai-je cessé de militer à travers de nombreux réseaux d’entraide et de soutien pour obtenir pas à pas des droits légaux fondamentaux des travailleurs, des femmes, des familles. Lors de la Guerre israélo –arabe de 1948 j’organisais encore l’aide aux réfugiés palestiniens….
Ma vie a été ainsi un long combat pour tous les opprimés de la société politique jusqu’à la fin de ma vie en 1959 à Damas.
En route vers l’Orient : des rivalités et d’effroyables massacres de la part des Croisés
Quatre armées sont parties d’Occident vers la ville sainte par regroupements régionaux : les Méridionaux autour de Raymond de Saint Gilles ; les Français dont Hugues le Grand, Robert Courteheuse et Robert de Flandre; les Lorrains menés par Godefroy de Bouillon et Baudouin de Boulogne; les Normands d’Italie conduits par Bohémond de Tarente et Tancrède de Hauteville.
Un ensemble combattif pour aller faire « le pèlerinage à Jérusalem et aux Lieux Saints » mais cheminant isolément, encombré souvent de non combattants et formé de contingents féodaux avec chacun des vues particulières. Aucune organisation dans ces engagements régionaux de cette union qu’aurait voulue le Pape Urbain II, notamment avec une direction commune d’un représentant religieux (le légat) et d’un chef laïc.
Pas en tout cas la réponse attendue par Alexis 1er Comnène le dirigeant de Constantinople qui avait appelé à l’aide l’Occident. Dans de telles conditions, celui- ci, à la vue de cette cohorte qui à l’approche de Constantinople pille, massacre sans vergogne et se montre d’une férocité indescriptible, ne tient pas vraiment à la retenir. Au contraire, désireux de s’en débarrasser au plus vite, les Byzantins donnent des vaisseaux aux croisés pour les conduire au-delà du Bosphore mais en contrepartie ils réclament un serment d’allégeance de la part de leurs chefs pour que les terres prochainement conquises militairement reviennent à leur empire. L’acte politique que cet acte d’allégeance ne fut pas sans générer des frustrations et des ambigüités fortes de conséquences quelque temps plus tard dans le camp des croisés : ils se révèlent dans l’expression de leur foi chrétienne de plus en plus avides de biens et de richesses matérielles.
Si au début les arrivées des troupes se passent bien, les incidents ne tardent pas en effet à se multiplier. Les croisés assiègent Nicée rendue en juin 1097 aux Byzantins. Puis ils continuent leurs avancées en battant à plusieurs reprises les émirs turcs. En marchant à travers l’Anatolie, ils traversent la Taurie, parviennent en Cilicie et mettent le siège devant Antioche le 20 octobre 1097. Les ambitions territoriales personnelles s’expriment clairement : ainsi Baudouin de Boulogne (frère de Godefroy de Bouillon) aide l’arménien Thoros à secouer la tutelle turque à Edesse et devient son héritier.
Une fois Constantinople dépassée, les chefs croisés se délient de leur serment de fidélité et cherchent bien à s’installer en territoire conquis. A Antioche, capitale byzantine de la Syrie du Nord (jusqu’à l’arrivée des Turcs en 1085) le Normand Bohémond s’en saisit pour lui-même après un siège difficile et quasiment désespéré du fait de la famine, des pertes en ressources et des désertions. Il s’impose et invoque dès lors des motifs religieux de lutte contre « les hérétiques » grecs, syriaques, jacobites, tout en octroyant des privilèges commerciaux aux villes italiennes (Gênes en l’occurrence)….
La prise de Jérusalem et le carnage organisé par les Croisés
Jérusalem appartient alors au Sultan d’Egypte qui l’avait reprise aux Turcs. Après la prise d’Antioche, l’armée des croisés reprend la route en janvier 1099 et suit celle qui est la plus sûre indiquée par les chrétiens syriens, en descendant la côte. Les Croisés y prennent d’ailleurs plusieurs villes : ainsi Bethléem le 6 juin 1099 pour passer dès le lendemain au siège de Jérusalem.
Les croisés manquent pourtant d’eau, de bois, d’armes et ils ne sont pas assez nombreux pour investir la ville. Une expédition à Samarie et l’arrivée d’une flotte génoise à Jaffa viennent leur fournir tout ce qui leur manque. Après un assaut de deux jours contre les Fatimides d’Egypte qui l’occupe, la ville est finalement prise le 15 juillet 1099.
Godefroy de Bouillon est au premier rang des assaillants et sous ses ordres ainsi que ceux de Tancrède et de Raymond de Toulouse, les juifs et musulmans sont massacrés sans pitié, aussi bien hommes, femmes, enfants, vieillards.
Selon Raymond d’Agiles, chanoine du Puy, tant de sang répandu dans l’ ancien temple de Salomon que les corps morts y nageaient portés ça et là sur le parvis par des flux de sang. On voyait flotter des mains et des bras coupés qui allaient se joindre à des corps qui leur étaient étrangers … Les soldats eux-mêmes qui faisaient ce carnage supportaient à peine la fumée qui s’en exhalait… Un carnage qui ayant été jugé tout à fait insuffisant par un conseil de croisés fut suivi par la destruction ordonnée de la totalité des habitants de Jérusalem, mahométans, juifs ou chrétiens shismatiques. Le nombre de morts fut estimé à environ 60.000. Et, l’opération dura huit jours malgré le zèle qui y apportèrent les preux chevaliers !
Fin de l’épisode sanglant : Godefroy est élu pour diriger la ville et prend le titre d’ « avoué du Saint Sépulcre » (c’est dire dépositaire du pouvoir temporel)… Une légende nait autour de cette belle figure de chevalier qui mourra au combat en terre sainte...
La première croisade au final aboutit à la création des Etats francs, des Etats Latins d’Orient (sur le modèle des seigneuries du monde féodal, le modèle exporté).
Quant à la défense de ces Etats latins, elle va motiver les sept principales croisades ultérieures de 1147 à 1291, date de la perte du dernier port encore contrôlé par les chrétiens en Orient : Saint Jean d’Acre.
En ce qui concerne Jérusalem, c’est dès 1187, moins d’un siècle après sa conquête que les Sarrasins la reprennent définitivement grâce à Saladin même si les croisés gardent encore une emprise sur de vastes régions principalement côtières….
Que reste-t-il dans nos imaginaires aujourd’hui de la période des Croisades ?
Un phénomène guerrier et sanglant qui s’est essoufflé au bout de deux cent ans dans une certaine confusion, une vision maintenant pourtant, au-delà de ces temps troublés, une interprétation favorable à l’Occident, une interprétation qui fait généralement l’impasse sur les conséquences touchant aux populations locales musulmanes et chrétiennes et qui occulte souvent les nombreux apports de l’Orient à l’Occident sans vraiment chercher à identifier et à qualifier sur le long terme l’impact du mouvement inverse ….
Peut- être y aurait il lieu à faire émerger et à soutenir une saine vision critique du passé pour approcher plus de connaissances partagées sur le présent ?
Ce site archéologique lointain situé au Nord Ouest de l’Arabie Saoudite renvoie à 7000 ans d’histoire.
L’Institut du Monde Arabe à Paris a cherché cet hiver à le faire mieux connaitre par une magnifique exposition préparée avec soin et beaucoup de ressources, mais la pandémie du COVID 19 et le confinement de ce début d’année 2020 ont compromis cette ambition louable de faire mieux connaître ce lieu magique fait de couleurs contrastées et ses trésors incontestables à compter au patrimoine de l’humanité.
En effet, la première occupation connue de ce site remonte au Néolithique lorsque des populations s’installent dans la vallée et y construisent des sites funéraires dont de remarquables « tombes à traîne ». Des dessins gravés sur les roches témoignent des systèmes politiques et économiques anciens et d’une faune abondante (dromadaires, ibis, autruches).
A partir du VIIIème siècle avant J-C, Al-UlA occupe une place importante sur la célèbre route de l’encens qui reliait le sud au nord de l’Arabie. De nombreux vestiges antiques témoignent de cette époque fastueuse pour la région. Pendant plus de mille ans les caravanes chargées d’encens et de myrte en provenance des royaumes du Sud font halte dans les oasis de Dadan et d’Hégra et établissent des relations commerciales pérennes avec les royaumes présents.
Entre le VIIIe et le II siècle avant J-C, les royaumes de Dadan et Lihyân s’installent au cœur de la vallée. Ils contrôlent le commerce caravanier, bâtissent des sanctuaires et fabriquent des statues humaines et animales spectaculaires.
A une trentaine de kilomètres au nord d’Al- Ula, la ville de Hégra est fondée au premier siècle avant J-C par la puissante civilisation des Nabatéens, venus de l’actuelle Jordanie et célèbres dans le monde entier pour avoir bâti la grandiose Pétra. D’ Al –Ula les Nabatéens contrôlent les caravanes qui se dirigent vers Pétra, leur capitale. Ils font creuser dans la roche 94 tombeaux rupestres monumentaux.
Cet ensemble unique est un des trésors de la région d’Al-Ula inscrit au patrimoine de l’Unesco en 2008.
En 106 après J-C., Hégra est intégrée à l’Empire Romain et en devient la frontière sud. Les vestiges d’un fort et des inscriptions latines témoignent de cette présence romaine en Arabie encore très peu connue du grand public.
Par ailleurs des milliers d’inscriptions rupestres laissées par les populations de passage renseignent sur l’organisation politique et sociale de Dadan et Hégra entre le V e siècle avant J-C. et la conquête arabe…
Des découvertes faites sur place ont apporté une mine d’informations utiles pour apprécier l’évolution de la graphie nabatéenne vers la graphie arabe et sur les divers alphabets pré islamiques.
L’Arabie Saoudite(voir article précedent sur la monarchie de cet état) a noué un partenariat avec la France pour valoriser le site.
Son projet : s’assurer des rentrées de devises internationales via un tourisme organisé et contrôlé par le regime politique lui même. Le chantier est estimé entre 50 et 100 milliards d’euros (dont une partie devrait être récupéré par l’Etat Français). Ce qui doit s’appeler le « Resort Shaaram » dont la construction est envisagée en plein désert a été confié à l’architecte français Jean Nouvel.
Notre désir de saine curiosité doit-il se faire complice d’une stratégie financière, politique et architecturale d’un pays au mode de gestion autoritaire et sectaire ?
Après « l’Appel de Clermont » lancé en 1095, par le Pape Urbain II, promettant le pardon des péchés aux hommes qui se rendront délivrer les chrétiens d’Orient, victimes des païens à Jérusalem, celui- çi ne s’attendait pas à une telle adhésion populaire : non seulement auprès de la grande partie des chevaliers, fils des familles nobles mais aussi des membres des classes sociales plus défavorisées. Il est vrai qu’à cette époque la situation en France était désastreuse en raison d’une succession de mauvaises récoltes, de famines et d’épidémies. En se joignant à l’expédition militaire, les paysans et les artisans espéraient échapper à ces difficiles conditions de vie. Près des hommes en armes, parallèlement on assiste à une vague migratoire de 40 000 hommes, femmes et enfants, qui en fait une véritable « croisade populaire ».
Dès la première expédition, la présence de femmes a été importante même si ce phénomène est souvent passé sous silence. Aux yeux du Pape Urbain II, elles n’avaient pas leur place dans ce pèlerinage porté par la foi, la mystique et le désir de passer les infidèles au fil de l’épée. Et pourtant elles furent là : les épouses des chevaliers désireuses de suivre leurs maris comme il se doit, mais aussi des religieuses, des veuves, et des prostituées. Si les femmes se chargent des charges quotidiennes de la cuisine, de la lessive, certaines aussi habilement manient le armes et combattent aux côtés des hommes.
De nobles dames engagées dans la reconquête de la Terre Sainte
Ce sont les comtesses d’Anjou, de Blois, de Toulouse ou encore la reine de France Aliénor d’Aquitaine qui participera elle à la deuxième croisade. Certaines perdent leur vie en combattant aux côtés de leur mari comme Florine de Bourgogne. Elle fut tuée en même temps que son époux Sven le Croisé par les Turcs. Elle n’avait que 14 ans.
Alphonse de Poitiers, frère du roi de France Louis IX et son épouse Jeanne de Toulouse décèdent à quelques jours d’intervalle du retour alors qu’ils ont participé à la croisade de 1267.... D'autres femmes de belles lignées se sont aussi engagées dans le pèlerinage et s'y sont illustrées.
Des témoignages oculaires sur la présence des femmes
Alors que le Turcs attaquent à Dorylée, l’armée de Bohémond de Tarente, séparée de celles de Godefroy de Bouillon et de Raymond de Saint Gilles «l’Anonyme de la première croisade» rapporte dans ses Chroniques : « des femmes furent d’un grand secours apportant de l’eau à boire à nos combattants et aussi en ne cessant de les encourager au combat et à la défense »[1]. La ténacité des Normands, soutenus par leurs femmes leur permit de tenir suffisamment longtemps pour permettre à Godefroy et à Raymond d’approcher du combat et de vaincre les Turcs.
Imâd al-Dîn (né à Ispahan en 1125, mort à Damas en 1201), chef de la chancellerie de Saladin, après avoir décrit les scènes de débauche provoquée par l’arrivée sur un navire : « de trois cents belles femmes franques, ornées de leur jeunesse et de leur beauté, qui provenaient d’outre mer et s’étaient offertes à commettre le péché », il ajoute : « Il y a parmi les Francs des femmes chevaliers qui portent heaume et cuirasse, l’ habit masculin, se jettent au plus fort de la mêlée…. Elles croient assurer leur salut …couvertes seulement d’une cotte de mailles, on ne les reconnut que quand elles furent dépouillées de leurs armes et dévêtues…. Certaines, une fois découvertes, furent vendues comme esclaves ; quant aux vieilles, il y en avait partout. »
[1] Source : La Gesta Francorum et aliorum Hierosolimitanorum (Geste des francs et autres peuple lors du pèlerinage à Jérusalem) ou Histoire anonyme de la première croisade écrit en 1099 et 1101 par un chevalier ayant pris part à la Croisade
Le mot « croisade » fait spontanément penser, de nombreux siècles après, au déroulement des événements historiques survenus dans la partie orientale de la Méditerranée de 1096 (arrivée des premiers croisés à Constantinople) à 1303 (abandon par les Templiers de l’îlot de Raoud en face de Tartous, actuellement en Syrie). Dans nos mémoires d’occidentaux surgit en effet la représentation d’une épopée justifiée par la foi catholique et qui fut sanglante dans un espace géographique qui va de Tunis à Istanbul.
Un espace qui correspond à ce jour au territoire actuel de la Turquie, de la Syrie, du Liban, d’Israël, de la Jordanie, de l’Egypte, de la Libye et de la Tunisie et qui donne du même coup à cette épopée « complexe » un lien entre les faits d’hier et une actualité brûlante …
Après ces événements d'affrontements, il y eut en effet des récits, des explications, mais aussi des interprétations, au mieux des nuances, au pire des controverses sur la version qui a prévalu en Europe occidentale à savoir que la croisade a été celle d’un mouvement à base exclusivement religieuse destiné à s’assurer le contrôle des Lieux Saints de Palestine pour protéger les pèlerins en route vers les lieux de la vie du Christ. De nouvelles analyses depuis les années 1950 ont élargi la façon de penser et de juger de cette époque autrement qu'en de termes manichéens du côté occidental.
Des points de vues bâtis sur des écrits arabes traduits et déjà disponibles vers 1880 ( mais en diffusion limitée aux milieux érudits) ont dévoilé que l’état d’esprit des croisés au-delà de la conquête par la chrétienté latine n’était pas sans d’autres motivations (désir de gains et de profits marchands, projets de possessions personnelles, aventures guerrières dédouanées a priori du commandement « Tu ne tueras point ! »).
Ces luttes violentes ont dévoilé des chocs entre deux, voire trois mondes : le monde occidental, le monde byzantin, le monde arabo-musulman et manifesté les oppositions entre les trois religions du Livre : juive, chrétienne, musulmane, soit trois religions monothéistes.
Donc, rien d’homogène ni d'absence d’équivoques en cette longue période de l’histoire autour de la Méditerranée, où au XIeme siècle se confrontaient bien des forces inégales et des intentions stratégiques de pouvoir économique, politique et religieux.
Evitons les anachronismes quand nous nous retournons vers ce passé !
Il nous faut ainsi être attentif au vocabulaire usité qui a laissé son empreinte sur l’imaginaire commun. A l’époque on ne parlait pas d’Arabes ni « d’islamistes » mais des Sarrasins : les Byzantins ont appelé ainsi les peuplades d’Arabie puis globalement ceux qui vivaient sous l’autorité du calife (chef temporel et spirituel). De même, on ne parlait pas de croisade mais de pèlerinage : le terme de « croisades » date de 1480 environ. Vers 1080 on trouve le mot « cruisier » (« disposer en croix ») puis croiser, ensuite « se croiser » qui désigne à partir de 1174 le fait de s’engager pour la croisade en revêtant un vêtement portant la croix. Le mot latin peregrini (du latin peregrinus : étranger, voyageur) pendant longtemps s’est appliqué aux croisés ou miles Christi (soldats du Christ).
Pour les chroniqueurs arabes, les Franj sont les croisés et les Roum ou Rûm sont les Byzantins, c’est-à-dire les Romains de l’empire d’Orient. Le mot « islam » (soumission à la volonté de Dieu) ne signifiait rien pour la grande masse de croisés : pour eux, les musulmans étaient purement des païens. Quant aux mamelouks, ce sont des esclaves-soldats qui, cantonnés au bord du Nil, ont pris le pouvoir au Caire en 1250 en renversant la dynastie ayyubide et ont conquis la Palestine et la Syrie.
Huit croisades ont eu lieu entre 1095/1096 et 1270
Ces expéditions militairesont eu une grande répercussion sur la société européenne et elles ont servi entre autres de relais essentiel dans certains domaines pour la transmission aux pays occidentaux de l’héritage gréco-romain.
Sources : Claude Lebédel, LES CROISADES, Editions Ouest-France, Rennes, 2004
En 1040, Salomon Ben Isaac qui sera mieux connu sous le nom de Rachi voit le jour à Troyes en France. Il grandit au sein d’une petite communauté juive installée dans la ville champenoise et il étudie avec son père et son oncle. Rachi se révèle vite être un homme d’exception à l’intelligence et à la mémoire prodigieuse.
A 20 ans il quitte Troyes pour aller étudier auprès des maîtres juifs de Rhénanie, à Mayence. Revenu à Troyes où il passera le reste de sa vie, il y meurt en 1105.
Rachi se met à enseigner et les étudiants affluent auprès de ce maître qui devient rapidement célèbre. Ne tenant pas à tirer un profit financier de sa charge de rabbin, il gagne sa vie en tant que vigneron. Ainsi entre vigne et école talmudique, il forme toute une génération d’érudits et l’école de Troyes modèle fortement les études rabbiniques du siècle suivant.
Par ses écrits en effet Rachi a marqué durablement la culture juive. Avec une simplicité dans le style et une volonté de s’adresser autant au débutant qu’à l’élite, il est l’auteur d’un Pentateuque encore très apprécié. Il s’est s’attaqué également au travail monumental de commenter le Talmud (œuvre qui restera inachevée).
Ces deux commentaires rapidement diffusés dans les milieux intellectuels juifs d’Europe seront déterminants. Aujourd’hui encore ils forment le socle des études rabbiniques, une œuvre extraordinaire dont l’étude reste indispensable et qui ne sera pas non plus sans influence sur l’exégèse chrétienne de l’époque. Epoque où les petites communautés juives et chrétiennes installées dans l’Europe chrétienne coexistaient de manière pacifique et respectueuse. Pourtant la fin de sa vie est marquée par les Croisades et les massacres des communautés juives qui les accompagnèrent.
Pour la connaissance de la langue française, l’apport de Rachi a été exceptionnel car il a été un de premiers auteurs à l’utiliser telle qu’elle était pratiquée et entendue en Champagne au XI eme siècle alors que les auteurs français qui lui étaient contemporains utilisait le latin. Ainsi Rachi passait avec aisance de l’hébreu au français pour des fins de bonne compréhension de ses lecteurs. (Le commentaire de la Bible par Rachi contient environ 1500 mots français et son commentaire du Talmud environ 3500 selon les experts chercheurs en philologie.)
L’œuvre de Rachi a été non seulement accessible aux lecteurs chrétiens à cause de l’abondance des expressions françaises mais elle a contribué aussi à rendre accessible l’hébreu aux lettrés du Moyen Age par cette pratique de la traduction simultanée que faisait Rachi au fil de l’analyse.
Aujourd’hui encore dans bien des écoles rabbiniques du monde entier, une question rituelle guide l’étude de la Bible et du Talmud : « Et que dit Rachi ? »
Bibliographie : Rachi de Troyes par Simon SCHWARZFUCHS, Paris, Albin Michel ( Spiritualités vivantes ) 2005, 160 pages
Rabbi Shlomo Its'haqi - Rabbi Salomon fils d'Isaac - , plus connu sous son acronyme Rachi, est né à Troyes en 1040. Rachi reçoit les meilleurs enseignements rabbiniques lors d'un séjour de plus...