Hommage à Philippe Jaccottet

Publié le 27 Février 2021

Le poète, traducteur et critique littéraire suisse Philippe Jaccottet, lauréat de nombreux prix dont le Goncourt de la poésie, est décédé à Grignan, dans la Drôme, dans la nuit de mercredi à jeudi à l’âge de 95 ans.

Récompensé par de nombreux prix français et allemands, dont le Goncourt de la poésie (2003) et le Grand prix national de Traduction (1987), Philippe Jaccottet est l’un des poètes contemporains qui a fait l’objet de plus de thèses et de critiques.

Avec René Char et Saint-John Perse, il a été l’un des trois poètes à avoir été publié de son vivant dans la prestigieuse collection de la Pléiade. France Culture lui avait alors consacré une émission où il est encore possible d’apprécier la sensibilité de cet écrivain contemplatif émerveillé par la nature.

Aujourd’hui beaucoup évoquent avec émotion et nostalgie cette grande figure discrète du monde littéraire qui exprimait un subtil engagement de la pensée et de la vie intérieure.

Par choix relisons et osons commenter ce poème de Jaccottet pris dans son recueil Leçons, 1977, dans Œuvres Complètes, Pléiade, Gallimard, (p 460) où il contemple la montagne :…..

« Et moi maintenant tout entier dans la cascade céleste,
enveloppé dans la chevelure de l’air,
ici, l’égal des feuilles les plus lumineuses,
suspendu à peine moins haut que la buse,
regardant,
écoutant
— et les papillons sont autant de flammes perdues,
les montagnes autant de fumées –,
un instant, d’embrasser le cercle entier du ciel
autour de moi, j’y crois la mort comprise.

Je ne vois presque plus rien que la lumière,
les cris d’oiseaux lointains en sont les nœuds,

la montagne ?

Légère cendre
au pied du jour. »

Ce poème est l’avant dernier poème du recueil que Philippe Jaccottet présente lui-même comme « un livre de deuil ». 

A la cime d’une montagne, sur une hauteur propice à voir loin, très loin, tout en restant proche du ciel, « à peine moins haut que la buse » le poète se confie. L’expérience qu’il vit est sensorielle et à la limite métaphysique. Comme si face à la montagne, lorsque le poète a converti son regard et son écoute, une ouverture du cœur s’est réalisée pour consentir à une acceptation sereine de la mort. Une telle transformation de l’esprit conduit à accueillir les choses comme elles se présentent, simplement. Elle crée un état de vacuité bienfaisant, à mille hauteurs de la plaine et du tourbillon habituel de pensées trop pesantes.

La description du paysage s’établit par des métaphores telles que celles de « cascade céleste » ou encore de «chevelure de l’air ». L’endroit où le poète se trouve n’est effectivement pas un lieu comme les autres, mais une sorte de toit du monde où il est possible « d’embrasser le cercle entier du ciel » et où il peut reconsidérer l’existence, le flux vital qui embrasse l’humanité…La négation nuancée « Je ne vois presque plus rien que la lumière » désigne l’homme transfiguré, entièrement baigné dans la lumière, comme si le paysage s’effaçait, comme si les éléments constitutifs du paysage n’avaient plus aucune importance et qu’il ne restait que cette lumière. Au-delà des mots, serait - ce cela le sentiment immédiat d’absolu comme un « nec plus ultra » inouï ?

        Merci Monsieur Jaccottet pour la beauté et la justesse de vos écrits !

Rédigé par Claude Laporte

Publié dans #AP, #HS

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