Egalité avec l’animal ?

Au début était le Verbe … Une fois nommés par Adam les espèces vivantes furent identifiées, connues et classées. Suite à cet acte de désignation, une relation verticale s’est instituée et a imposé une norme supérieure aux statuts inférieurs…. Tant qu’Adam n’avait pas donné de nom, prétendent certains, les animaux que le Seigneur créait à partir de la terre nouvelle,  n’existaient pas !

Il y a une histoire  écrite par Ursula K. Le Guin dans laquelle une femme qui n’est pas nommée mais qui peut être qu’Eve, la compagne d’Adam, entreprend de défaire les actes d’Adam : elle persuade tous les animaux d’abandonner les noms qui leur ont été attribués…. Une fois les animaux débaptisés, elle sent bien la différence : le mur est tombé, l’espace s’est rétréci entre les animaux et elle, elle éprouve une communauté et une égalité nouvelle à leur égard. Sans nom pour les séparer, il n’est plus possible de distinguer le chasseur du chassé, le mangeur de la nourriture.

L’étape d’après, inévitable, est la reddition de son nom par Eve, qui le rend à Adam et à son père, puis quitte Adam et rejoint les autres qui, en acceptant de n’être plus nommés, se sont affranchis de la domination. Pour Eve seule, en revanche, l’acte entraîne un autre renoncement, celui du langage qu’elle partageait avec Adam. Mais après tout, l’une des raisons pour lesquelles elle a fait ce qu’elle a fait, dit-elle, était que le langage ne les menait nulle part.

A noter : seuls les chats prétendent n’avoir jamais accepté dès le départ leur nom de toute façon ! En conséquence ils furent obligés, selon Ursula K. Le Quin,  d’assurer leur autonomie, sans protection mais avec une  formidable solidarité fraternelle ! 

Source: L'ami, de Sigrid Nunez, Edition Stock, 2019