Cher Paradis, dis-moi d’où tu viens ?

Publié le 26 Juillet 2021

Je viens de l'ancien perse. Puis, je passe ensuite en hébreu puis en grec langue dans laquelle pour la première fois sous la plume - ou plutôt le calame - de Xénophon (début du IVe siècle av. J.-C.) je désigne un grand parc peuplé d'animaux sauvages que le roi de Perse Cyrus le Grand avait fait installer pour pouvoir y chasser.

Mon nom est issu d'une langue très ancienne, l'iranien avestique dans laquelle pairidaēza, signifie enceinte royale ou nobiliaire. Le terme se transmet ensuite au persan voulant dire enclos, puis au grec ancien paradeisos  signifiant un parc clos où se trouvent  des animaux sauvages pour aboutir enfin au latin chrétien paradisus. Avant d'être l'ultime demeure céleste des croyants, j’étais donc un lieu de plaisir bien terrestre.

Dans le monde gréco-romain, on se promène dans mon jardin d'agrément. Le livre de la Genèse me décrit comme un jardin des délices ou jardin d'Éden, jardin merveilleux où poussent toutes sortes d'arbres et de plantes aux fruits délicieux, et où cohabitent en harmonie tous les animaux, sous la direction de l'Homme. C’est le jardin terrestre.

Mais les Chrétiens me saisissent, comme le renard le fromage, je deviens également jardin céleste,  le jardin donné à Adam et Ève par Dieu lors de l'épisode de la Création où il a planté pour tenter les hommes ou plutôt la femme, l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Sans surprise, la transgression a bien lieu. Je suis aussi le « séjour des Justes » au Ciel s'opposant à l’enfer inferi ou les limbes incertaines des païens. Parallèlement, j’évoque un lieu de bonheur spirituel. La forme savante médiévale paradis remplace la forme pareïs à la fin du XIe  siècle. Mon nom, quel honneur,  exprime  la  félicité tout en conservant la notion de jardin, en particulier  dans la locution de paradis terrestre.

Ce n'est qu'au XVIIIe siècle que l'on voit dans le paradis terrestre une forme du mythe antique de l'Age d'or et qu'est abandonnée l'idée de me trouver sur la Terre. J’avais été un bon stimulant pour les voyages et les découvertes. Désormais "céleste" et abstrait, je ne suis pour la plupart des chrétiens qu’un lieu immatériel sans rapport physique avec le firmament.

Quel dommage  pour ceux qui aiment rêver !

 

Rédigé par Jeanne Roze-Coquet

Publié dans #AP, #HS

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