« Aucun ours » : Jafar Panahi Iran 2022

Publié le 19 Mars 2023

Récompensé par un Prix spécial du jury à la Mostra de Venise, ce film "Aucun Ours"  a été réalisé lors de la liberté conditionnelle du cinéaste actuellement en prison à Téhéran. 

Jafar Panahi joue son propre rôle, et le voir ainsi aujourd’hui, alors qu’il est justement derrière les barreaux, est bouleversant. La première scène s’ouvre sur une rue commerçante, avant que l’on comprenne qu’il s’agit d’une fausse piste, d’un film dans le film, qui raconte l’histoire d’un couple d’artistes en attente de faux papiers pour fuir l’Iran. Ce que le « hors-scène » révèle, c’est que le rôle joué, c’est leur vraie vie ! les acteurs jouent leur propre rôle.

Fiction et réalité sont intriquées en permanence dans ce film très riche. Un clin d’œil sans doute à la culture persane, où le montré et le caché, le motif et l’ornement se confondent. Une belle illustration de ce jeu entre visible et invisible, dedans et dehors, nous est offerte : le  cinéaste confie sa caméra à son logeur afin qu’il filme pour lui une cérémonie traditionnelle de lavage de pieds, mais l’homme confond le « on » avec le « off » et enregistre, sans le faire exprès, non pas l’événement mais ses à-côtés… et notamment des rumeurs qui sont riches de sens…

Nous sommes dans un petit village du Kurdistan iranien, où les traditions sont tenaces… on assiste au retournement des habitants qui deviennent  hostiles à l’accueil d’un homme de la ville trop libre. Un enfant rapporte l’avoir surpris à photographier une jeune fille en compagnie d’un garçon autre que celui qui, depuis sa naissance, lui est assigné par la cellule familiale, … La communauté exerce une pression de plus en plus insistante sur le cinéaste pour récupérer l’image … Il ne cèdera pas mais la réalité est très rude en Iran, et cela se terminera très mal.

On comprend que ce film - en sus de sa qualité documentaire -  propose une belle réflexion sur le pouvoir des images ; certaines scènes marquent le spectateur et lui laisseront leur empreinte. Je pense notamment à une très belle scène nocturne où Jafar Panahi s’aventure en voiture dans les pistes ensablées des collines qui sont celles de la contrebande et de tous les dangers… Une zone de frontière précisément, et l’on ressent une forte tension que la beauté du paysage ne supprime pas ; oscillation permanente entre ces deux blessures, rester ou partir, d'un côté de la colline ou de l'autre…

NB Très bonne critique du film par Mathieu Macheret dans  "Le Monde"  du 23 novembre 2022

NB: à l'heure d'aujourd'hui Janar Panahi est toujours incarcéré et a entamé à Téhéran dans la prison d'Evin une grève de la faim ( communiqué du Monde en date du 3 fevrier 2023

Rédigé par Catherine Réveillère

Publié dans #Ac, #OP

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